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  • Jean Dusaussoy

Yquem ou quand le sucre devient funambule


Le château à la fin du XIXème siècle

Il est un moment toujours pénible pour moi dans un dîner lorsque approche sa fin, c’est l’étape du dessert et son cortège de sucre sous toute ses formes. Mais lorsqu’on sert ce dernier avec un liquoreux ou un vin muté, là, c’est vraiment la double peine, comme si le sucre résiduel du vin venait glacer celui du mets sur votre palais. Bref, du sucre au carré, de quoi faire exploser votre taux de triglycérides rien qu’en y pensant.

Aussi, lorsque je vis arriver ces bouteilles de château d’Yquem remplies de liquide mordoré, cette "lumière à boire" synonyme d'un bon nombre d’années de vieillissement (1996), suivies de son inévitable farandole de desserts, j’ai tout de suite pensé qu’il était l’heure de se retirer discrètement avant de défaillir. C’était sans compter sans le zèle du serveur qui déjà s’approchait en me tendant un verre.

Je le pris et l’approchai progressivement de mon nez, comme on déguste olfactivement ces eaux de vies non réduites (environ à 70°) afin que l’alcool ne vous saute pas immédiatement aux sinus, pour déterminer la juste distance avant d’être agressé par le sucre, mais, rien ne se produisant, je plongeai mon nez dedans pour y recueillir des arômes de fleurs blanches et d’abricot sec.

Enfin, je le portai en bouche, m’attendant, cette fois, à être inévitablement envahi par les 125 gr de sucre résiduel annoncés, mais, là encore, surprise, la sensation de sucre, peut-être un peu réduit par le nombre des années, était jugulée par l’acidité du vin. Le combat entre sauvignon et sémillon botrytisés entrant dans l’assemblage avait fait son œuvre avec le temps et offrait le plus beau des équilibres, celui du funambule qu’un rien peut venir détruire.

Comme un ajout de sucre intempestif, provenant d’une de ces mignardises qui me lorgnaient depuis le chariot de la farandole. Prudent, je préférai sortir et terminer mon verre sur un Havane, la fumée déglacée par l’Yquem. L'accord parfait se trouvant quelque part entre un Partagas E2 et un Siglos VI de Cohiba.

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