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Texte & photographies Jean Dusaussoy

Cahors & Truffe / Lot


Alors que la saison de la melanosporum touche bientôt à sa fin, le Cahors Malbec & Truffle Festival a mis la main de l’homme à l’honneur en associant deux des plus beaux emblèmes du patrimoine du Lot. Autant celle qui dorlote la truffe dès son cavage par le cochon ou le chien, que celle qui taille le cep bien en amont des vendanges et celles, bien sûr, du chef et du sommelier qui les réunissent.

Mais quel lien peut-il bien y avoir entre la truffe et le Malbec ? C’est la question que j’avais posée à Jean-Claude Voisin, chef du restaurant Le Vinois à Caillac, lors de mon premier passage au festival en 2013 à la Villa Cahors Malbec. Sans hésiter, il répondait : « C’est dans la minéralité qu’il faut chercher l’accord. »

Son œuf noir en gelée de Malbec (œuf mollet dans lequel il a insufflé une purée de truffe au cœur du jaune) me reste encore en mémoire, accompagné d'un puissant Château Eugénie, cuvée Haute Collection (2003), allait dans ce sens, même si la finesse du met aurait méritée (en sortant de l’appellation, mais en restant sur le même terroir) un grand blanc, tendu, mais riche comme le Cèdre Blanc (100% Viognier) fait par Pascal et Jean-Marc Verhaeghe au Château du Cèdre. L’accord est bien minéral, quelque part entre l’humus et le magnésium.

Pour Pierre-Jean Pebeyre, de la maison spécialisée dans la truffe depuis 1897 qui porte son nom, la réponse est avant tout génétique et climatique et peu importe le terroir, Quercy, Périgord, Drôme, Vaucluse ou même nord de l’Espagne (aujourd’hui le plus gros producteur de truffe). D’après des études menées sur la truffe et le vin, il existe bien un composant commun au deux, le diméthyl sulfide, molécule qui est à l’origine de l’exceptionnel arôme de la truffe et que l’on retrouve aussi dans les arômes tertiaires des grands Cahors pur malbec, pour peu qu’ils aient un temps de garde suffisant. Comptez environ une dizaine d’année.

Mais depuis, l’évolution stylistique des vins de Cahors s'est affirmée, avec une tendance pour des vins moins extraits et moins boisés et cette surprenante acidité qui apporte de la longueur en bouche, qui permet, à côté des mariages traditionnels, de nouveaux accords mets & vins comme le confirment les quatre dîners de l’édition 2019 du festival.

Le 29 janvier, Marc et Amandine Bozzato du restaurant Le Marché (Cahors) ont proposé, sur la cuvée L’Authentique (2012) du Château Pineraie de la famille Bruc, un pithiviers de caille façon bécasse et de foie gras poêlé, feuilles de pourpier à l'huile de truffe, jus réduit. Un accord traditionnel pour cette cuvée, 100% malbec élevée 18 mois en fût de chêne, dont les tannins ont été arrondis par le temps et enrobés par le gras du mets.

Stéphane Chambon / chou farci à la truffe

Le 4 février, David Blanco de Côté Sud (Cahors), Stéphane et Mathieu Chambon du Pont de l’Ouysse (une étoile Michelin à Lacave), ont concocté pour leur quatre mains un chou farci à la truffe, étuvée de légumes racines, jus de cuisson pour la cuvée Tandem (2017) du Château Lamartine de Lise & Benjamin Gayraud. Ou plus exactement, une truffe enrobée de farce et de choux, chaque chou contenant une petite truffe entière d’une dizaine de grammes qui donne du croquant au plat. Sur ce malbec jeune sur le fruit, élevé 6 mois 1/3 en cuve ovoïde et 2/3 en cuve ciment, l’accord se fait sur le côté terre, celui de la truffe rencontrant l’austérité du vin, donnée par le contact avec le ciment qui lui confère de la tension.

Sélection des vins & spiritueux au Médiéval

Le 11 février, Loren & Pierre Creuzet du Médiéval (Bib gourmand) à Puy-l’Evêque ont présenté une raviole de homard, tartare et écume de topinambours aux truffes pour Le Vin des noces (2008) des Roques de Cana (80% malbec, 20% merlot) de Martial Guiette. Un vrai terre & mer ! Déjà dans le plat où crustacé et truffe marient leurs saveurs musquées, le vin venant souligner par sa finesse tendue et saline, due à un élevage de 10 mois en cuve béton et à ses dix ans de vieillissement, l’originalité de l’accord.

Enfin, le 18 février, le chef doublement étoilé, Pascal Bardet, et son chef sommelier, Florian Balzeau, du Gindreau à Saint Médard, sont partis sur une truffe noire / verdurette (pousses vertes d’hiver garnies de foie gras maturé et truffe noire, poireaux de vigne, consommé grillé riche en truffe) pour trouver l’accord sur la cuvée Rachël (2014), pur malbec du Château Tour de Miraval d’Evelyne Demaux-Lévy. « L’accord se fait sur le végétal », commente Florian Balzeau. « La verdurette (vert de blette et d’épinard qui emmaillote le foie gras ainsi que le côté douçatre de la truffe bien mûre) rencontrant les tannins enveloppant de ce pur malbec à la belle acidité. »

Pour résumer, deux grandes lignes pour marier Cahors & Truffe. Sur la jeunesse, choisir un vin sans élevage sous bois neuf et plutôt provenant plateau pour jouer sur la tension et le végétal. Sur la maturité (plus de 10 ans), les arômes tertiaires du vin rencontrerons naturellement ceux de la truffe. A vous de jouer maintenant, il vous reste jusqu’à la mi-mars pour en profiter !

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