top of page
Rechercher
  • Texte & photographies Jean Dusaussoy

L'Odylée en 4 accords / Violès (Vaucluse)


“ L'Odyssée d'Odile est une Idylle. ” Ce qui pourrait ne rester qu'une jolie phrase de storytelling pour expliquer d'où vient L'Odylée, domaine créé fin 2015 par Odile Couvert, n'en n'est rien car elle lui correspond. C'est d'ailleurs la marque de tout bon storytelling. Au départ, Odile, chasseuse de têtes dans la finance de son état et Lyonnaise de naissance, ne cherchait qu'une maison dans cette région dont elle est amoureuse lorsqu'elle est tombée sur cette bâtisse entourée de vignes au Plan de Dieu. Du coup, elle a acheté le tout et, au lieu de mettre les vignes en fermage comme la sagesse aurait voulu, elle est devenue néo-vigneronne, renouant ainsi avec d'anciennes racines familiales en Beaujolais.

4 ans et demi plus tard elle est à la tête de 2 maison d'hôtes de charme où il fait bon vivre (1) et est en train de terminer les assemblages des rouges du millésime 2019, conseillée par Marcel Richaud (2) pour que “ les vins gagnent en fruit. ” Confiné en Avignon, je me suis souvenu d'un rendez-vous manqué l'année dernière et j'ai contacté Odile pour le rattraper, une fois le déconfinement en vue. Aussi, elle m'a convié à la rejoindre au domaine où était “confiné” un petit groupe d'étudiantes de l'école hôtelière de Lausanne venu lui prêter main forte (la main d'oeuvre se faisant rare) ainsi que de leur permettre de voir le fonctionnement d'un domaine. Souhaitant faire quelque chose autour de accords, j'ai proposé de faire un atelier pour ses “stagiaires” en partant de ses vins et de produits de saison.

Suite à la dégustation, cinq vins ont retenu mon attention, de quoi construire un menu. A commencer par deux rosés (AOC Côte du Rhône), jumeaux par leur cépage majoritaire, le grenache, mais opposé par leur vinification. La Fougueuse (65% grenache / 35% syrah) 2019, rosé de presse, à la robe saumonée et au arômes floraux et épicées, que l'on trouve ou on l'attend, typique avec une belle amplitude et Le Rosé d'Automne (2019), pur grenache en macération carbonique, conçu pour être un rouge fruité au départ, mais pas à l'arrivée. Le résultat de cette heureuse erreur d'aiguillage est un fruit défendu, de ténébreuses amours se cachent dans les plis de sa robe rubis.... Pour l'accord, j'ai choisi l'association fraises (des Cléry de Carpentras à maturité) / Buratta des Pouilles / huile d'olive/ thym citron, un terre & fruit subtilement gourmand, basé sur la trilogie bien connue gras/sucre/acidité (3). Mais autant, sur le premier, l'accord se fait part l'éther, les notes florales du vin devenant exotiques au contact du mets, autant pour le second, il se noue au coeur des chairs. Celles du fromage et de la fraise confondues par le vin. Un accord profond et sourd où tout se mêle alors que le premier est léger et aérien dissociant les saveurs. Un cas d'école à retenir tant le même mets prend un autre visage selon l'accord choisi. Un vrai Janus !

Pour La Prometteuse (2019), grenache blanc mâtiné de viognier, un blanc tendu et tout en retenu, bien loin des IGP régionaux souvent trop aromatique, peut-être en raison d'un certaine sous-maturité du grenache à la récolte, les asperges vertes de Mallemort s'imposaient. Juste rôties à la poêle avec huile d'olive et un peu d'ail en fin de cuisson, le vin aiguillonnait gentiment l'amertume toastée de l'asperge croquante, assez neutre pour ne pas être dévié par cette saveur si compliquée à associer et suffisamment ample pour ne pas s'effacer.

Pour la bien nommée Audacieuse 2017 (AOC Côtes du Rhône), pur grenache élevé en demi-muids, aux tannins arrondis et à la bouche gourmande, j'ai associé quelques crevettes trouvées dans le frigo et leur jus de tête légèrement crémé et relevé au paprika, ce qui permet de faire le lien avec les tannins. Les rouges gourmands se marient bien avec les crustacés en raison du caractère carné de leur chair et à condition qu'un jus corsé les accompagnent. Pour les besoin de l'exercice, nous avons dégustées les crevettes seules, mais elles peuvent se combiner, avec un peu de chorizo avec par exemple, et se servir comme la garniture d'un risotto.

Enfin, pour la cuvée tradition du domaine, l'épicée et ronde Talentueuse 2017 (4), nous sommes partis sur un autre produit phare de la région, l'agneau de Sisteron. Un gigot d'agneau, arrosé durant sa cuisson au four avec un lait épicé aux graines de coriandre concassées, accompagné de quelques pois gourmands. Le seul mets connu avant la dégustation car prévu par un ami d'Odile venu lui prêter main forte. Au domaine, règne comme un parfum de convivialité malgré le confinement qui impose juste un peu plus de distance, mais n'empêche pas le partage. Revenons à l'accord, avec le couple gras/tannins comme base puis le jeu des épices qui se répondent en écho. Après chaque cépage joue sa partition, le grenache sur la gourmandise, la syrah sur l'épice et le carignan sur l'aigrelet.

Il est temps de partir, mais j'ai déjà hâte de revenir pour imaginer un accord sur la future cuvée pur carignan. Ses notes kirschées et ses tannins souples du jus sur muid en font déjà un carignan atypique, bien loin de l'image rustique et malaimée qu'il véhicule parfois (5).

(2) Vigneron emblématique de l'AOC Cairanne conduisant son domaine en bio à tendance dit nature.

(3) C'est la même que l'on retrouve par exemple dans l'accord foie gras & Sauternes.

(4) Assemblage de grenache, syrah et carignan à part égale, élevé en muids et fût (AOC Côtes du Rhône).

Domaine de L'Odylée

1542 route de Plan de Dieu

84150 Violès - France

Tel : +33 (0)4 90 30 01 03 / +33 (0)6 80 21 55 21

104 vues0 commentaire
bottom of page