Avec la plantation des premiers plants de cépage romorantin, issus d’une vigne pré-phylloxérique, le 12 juin dernier, la renaissance de la vigne de François 1er au Domaine de Chambord est en marche.
Faire renaître le vin de Chambord pour le 500ème anniversaire de la construction du château, tel que le voulu le roi en introduisant, en 1519, ce cépage blanc en val de Loire, par ordonnance « pour l’achapt de la quantité de quatre vingt milliers de complans de Beaune », est l’idée qui porte ce projet à la fois patrimonial, environnemental et économique.
Partenariat ampélographique
Tout commence par la rencontre entre Jean d’Haussonville, directeur général du Domaine national de Chambord, avec Henri et Jean-Sébastien Marionnet, propriétaires du domaine la Charmoise, un des fleurons du Val de Loire, sis à Soings en Sologne, autour d’une parcelle de 36 ares de romorantin pré-phylloxérique. Rachetée, en 1998, par Henri Marionnet, cette vigne, située sur un sol argileux, recouvert de petits silex, est composée à 75% de pieds francs datant d’avant 1850 qui ont miraculeusement échappé au phylloxéra apparu dans la région en 1864.
Ces vieux ceps ont donné, non seulement, la sublime cuvée Provignage, (servie à la reine Elisabeth II lors de sa venue en France en 2004), minérale avec une palette complexe de fruits à chair blanche et des notes évolutives de noisette, de miel et d’acacia, mais ont permis aussi de faire une sélection massale, obtenue par bouturage, pour faire naître, en 2007, une nouvelle vigne et, quelques années après, une nouvelle cuvée, La Pucelle de Romorantin, plus vive que sa mère.
Et c’est par ce même procédé que les deux premiers hectares de romorantin pré-phylloxérique viennent d’être planté à Chambord. Une manière de boucler la boucle car « lorsqu’on y réfléchit, déclare le vigneron, seules trois générations de 160 ans séparent ma vigne pré-phylloxérique de celles plantées par le roi. »
Passé viticole
La ferme de l’Ormetrou, lieu choisi pour l’implantation de la vigne, ne doit rien au hasard. Situé en lisière du domaine de Chambord, il offre, outre un magnifique point de vue sur le château, l’avantage d’avoir un passé viticole depuis au moins le XVIIIème siècle. Les anciens plans de Chambord gardent la mémoire d’une parcelle de vigne sur ces terres et les archives attestent, en 1787, un clos de dix arpents (environ 4 ha) plantés « en bons complans d’auvergnat blanc et rouge franc. » Une terre où la vigne était encore cultivée dans les années 80. Charles Fortin, le frère dernier fermier d’Ormetrou décédé récemment, se souvient y avoir cultivé des cépages hybrides, précisément « le 54 en blanc et les 85 et 86 en rouge » et maintient que « les pieds de la treille courant le long du mur d’enceinte au niveau de la ferme sont de romorantin et de meslier datant de l’époque des seigneurs. » A défaut d’une analyse ADN, l’excellent dictionnaire encyclopédique des cépages et de leurs synonymes de Pierre Galet (qui vient d’être réédité) ne serait pas de trop pour vérifier ses dires.
Equilibre « écolomique »
Pour atteindre un objectif de 50 à 60 000 bouteilles de romorantin, en 2019, lors de la première récolte, seront plantés, en plus des 2 hectares de romorantin pré-phylloxérique et des 4 de pinot noir (cépage dérivé de l’auvergnat noir également cultivé sur ces terres jadis) cette année, 2 autres hectares de romorantin francs de pied, 3,5 de romorantin greffés et 0,5 de gamay, en 2016. Le gamay afin de pouvoir entrer dans le cahier des charges de l’AOC Cheverny pour les rouges nécessitant obligatoirement un assemblage, le romorantin, quant à lui, ne pouvant correspondre qu’à l’appellation Court-Cheverny. Ces deux appellations ouvriront d’ailleurs, dès juillet, une nouvelle maison des vins sur la place du village de Chambord.
Les vignes sont cultivées en agriculture biologique, comme s’y est engagée la ministre de l’écologie, Mme Ségolène Royal qui soutient le projet. Un véritable défi, lorsqu’on connaît le climat humide de la région propice aux maladies de la vigne, pour les Marionnet qui conseilleront la vinification de la récolte en visant à produire un vin bio.
Le tout en respectant un équilibre budgétaire. Les recettes prévues de l’exploitation de la vigne seront affectées à l’entretien des 30 kilomètres du mur d’enceinte du domaine de Chambord. Un juste retour des choses car c’est lui qui protègera la vigne des cerfs, chevreuils, sangliers, lièvres et autres blaireaux, friands de jeunes poussent et futures grappes, sur deux de ses côtés, une clôture de deux mètres de haut fermant les deux autres.
Ouvertes au public, les vignes de Chambord seront accessibles, à pieds, en vélo ou en calèche dans le cadre d’une grande promenade en juin 2016 et il sera même possible de participer aux premières vendanges. En attendant, les particuliers pourront, dès maintenant, devenir mécènes de la vigne en parrainant un pied de vigne qui portera leur nom et leur donnera un droit d’option pour l’acquisition de bouteilles. Une allocation en quelque sorte… Souhaitons au futur romorantin de Chambord le même succès qu’aux vins de la DRC !
(Version complète du reportage fait pour Paris-Match / Bettane+Desseauve)
Photos © Leonard de Serres
Château de Chambord, 41250 Chambord Tel : 02 54 50 40 00