Sur les hauteurs de la Ville de Nice, L’appellation Bellet fait figure d’exception dans le paysage viticole national. Cette petite enclave entièrement sise au cœur de la cité azuréenne ne compte que 52 hectares cultivés, situés sur la rive gauche du Var.
Seuls une dizaine de domaines se partagent la production d’un vin qui possède également la particularité de s’appuyer sur des cépages autochtones que sont la folle noire et le braquet pour les rouges et les rosés, auxquels vient se rajouter le rolle pour le blanc.
Le Château de Crémat est riche d’une histoire exceptionnelle. Construit, par la famille Mari entre 1904 et 1906, sur deux anciennes galeries romaines, qui servait déjà à entreposer vin et huile en amphore, le château mêlant style néo-gothique et rococo est passé de mains en mains jusqu'à aujourd'hui celles de Daniel Derichebourg, propriétaire du groupe éponyme.
Le logo du château, double C entrelacé, vous sera sans doute familier car en 1923, Irène Bretz, la propriétaire d'alors, aurait autorisé la jeune Gabrielle Chanel à l'utiliser pour sa marque, crée en 1921. C’est encore sur les terres du domaine, qu'en 1941, l’appellation AOC Bellet est créée par Pierre Tomé, nouveau propriétaire du Château de Crémat. À l’époque, c’est la seule exploitation entièrement viticole faisant commerce de vin à Nice. Une appellation et des vins qui possèdent une vraie personnalité ! Aujourd'hui, son vignoble s’étend sur 7 hectares entre 250 et 300 mètres d’altitude et l’ensemble de sa production est conduite en « bio » par Bruno Lust (photo du dessous).
Sur un sol silico-calcaire, aussi appelé poudingue (photo du dessus), le Château produit trois cuvées :
Un blanc (rolle 95% et chardonnay 5%), frais, gras et ample. Ses notes florales se marient avec des notes fruitées (agrumes, coing etc..). Le millésime à la vente est le 2014 (55% de la production), qui vient de remporter une médaille d'or au prestigieux Decanter World Wine Awards.
Un rosé issu de braquet à 100 %, qui séduit par son coté complexe et suave, généralement mis en vente après 3 années d’élevage. Un véritable rosé de gastronomie, dont le 2016 est actuellement en vente, qui ne représente que 5% de la production et fait de l'AOC Bellet une exception en Provence !
Un rouge, enfin, 40% de la production du Château, issu de folle noire 60 % et grenache 40%, un vin au bouquet complexe, aux fragrances épicées, aux tannins fondus et veloutés et à la finale d’une grande fraîcheur pour un vin du sud. Le millésime actuellement à la vente est le 2014. Nous vous en avions déjà parlé ici.
Mais que serait un vin sans un mets pour l'accompagner ? Direction Le Magellan à Théoule-sur-mer, qui appartient au même propriétaire, pour le savoir.
Le chef Bruno Tenailleau (photo ci-dessous) a pris ses quartiers dans ce restaurant avec sa plage privée et une vue imprenable sur la baie. Snacking pour la plage et carte gastronomique en terrasse. Arrivé début 2019, il a su trouver ses marques, après être passé comme chef pâtissier (il a été 1er prix international de pâtisserie en 2007) au M de Megève ou comme chef exécutif à l'Hôtel de Paris de Saint-Tropez, avec une carte qui fait la part belle aux produits frais et de productions locales, avec une touche exotique dans son exécution.
Pour preuve, ce tartare de loup au lait de coco, rhum blanc et citron vert que nous marions avec le rosé de braquet (Château Crémat rosé 2016). Un vin capiteux à l'opposé des rosés de Provence que Laurent Combacal, directeur du restaurant, ne fait pas figurer sur la carte, mais réserve aux connaisseurs. Des arômes poivrés de pivoine, qui peuvent aller jusqu'à la voilette parfois, pourraient en déconcerter certains par leur puissance, mais ne sont pas pour déplaire au lait de coco, qui, allié au rhum et à l'agrume, font voyager ce loup dans l'Océan indien.
Pour le riche rolle, mâtiné de chardonnay, (Château Crémat blanc 2014), nous revenons à un accord plus classique avec un Calamar de ligne de notre pêcheur Christophe Moya. Le vieillissement en muids de 500 litres apporte gras et amplitude au vin parfaite pour la chair gouteuse du céphalopode.
Mais c'est avec sa Boullabaisse Théoulienne sur l'assemblage de folle noire et grenache (Château Crémat rouge 2014), que le chef nous surprend. Le poisson, poché au dernier moment dans un jus chaud d'orange et de badiane, garde tout son moelleux tout en donnant un côté très aromatique au bouillon que vient compléter une rouille. Le vin, pinotant légèrement, joue tout en finesse non seulement sur le poisson, mais également sur les Saint-Jacques et gambas (car c'est une bouillabaisse de luxe). On se prend à rêver à un pinot du sud (1) pour telles épousailles, mais c'est une folle noire qui ensorcelle nos esprits. Le sable sur la plage semble vibrer un peu plus...
Tels sont les vins du Château de Crémat. C'est fou ce que l'on voyage depuis les hauteurs de Nice !
(1) Je pense à celui d'Hervé Bizeul (Le Clos des fées) qui vient enfin d'arriver en dégustation, après des années de gestation.
Château de Crémat
442 Chemin de Crémat, 06200 Nice
Tel : 04 92 15 12 15
Le Magellan
Promenade de la Darse, 06590 Théoule-sur-Mer
Tel : 04 93 49 82 16