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  • Texte Jean Dusaussoy / Photos Fabrice Leseigneur

Cognac & Gibier avec Nobuyuki Akishige / Automne (Paris 11)

Nobuyuki Akishige est un chef un amoureux du gibier. Ce n’est pas pour rien qu’il a appelé son restaurant Automne* (1), qui s’est vu décerner sa première étoile cette année. D’abord, parce que Aki signifie automne en Japonais, mais aussi car c’est la saison de la chasse. « Au Japon, on cuisine beaucoup le gibier : sanglier, col-vert et chevreuil, mais on le prépare différemment, soit en shabu-shabu (variante de la fondue chinoise où les viandes sont cuites dans un bouillon), soit au teppan yaki, (petit barbecue au charbon de bois que l’on pose sur la table) ».

« Avec la viande de chasse, poursuit le chef, chaque pièce est différente, la taille, la couleur de la chair en fonction de ce qu’elle a mangée, et donc le goût. Tout est différent, elle n’est pas calibrée comme celle de l’élevage. Pour chaque bête, il faut trouver la bonne solution. » Comme pour son premier accord sur sa grouse au sel. « La grouse est plus forte en goût que les autres oiseaux. Pour le conserver toutes ses saveurs, j’ai voulais la cuire la moins possible car dès qu’elle, cuit les goûts s’en vont. » Plusieurs essais furent nécessaires pour trouver l’équilibre entre la chair, le sel, les épices et finalement est venu par la touche de miel. Ce mets n’est pas sans rappeler le Salaté (1) d’Yves Le Bourdonnec (En Magnum #11), que nous avions alors accordé sur le VSOP, mais en plus fin. Là où le bœuf avait un petit côté rustique, la grouse est d’un grande finesse, combinée qui plus est à une mayonnaise au safran qui complexifie les saveurs. Aussi, Nobuyuki Akishige, a choisi d’y associer le plus gourmand des cognacs, l’XO. Avec son côté pâtissier, il joue d’une part sur les contrastes avec la viande presque crue, mais épouse à la fois facilement le côté épicé et subtilement miellé du mets.

« Le gens pensent que le gibier à un goût très fort, mais la viande en soi n’est pas très forte, c’est sa maturation et la manière de la cuisiner qui rend les goûts giboyeux. » C’est le cas, pour le pithiviers de col-vert où toutes les parties du canard sont utilisées : cuisse, filet, foie, cœur et pour la sauce, la carcasse du col-vert mélangée avec un fond de volaille. « Le VSOP (Very Superior Old Pale dont la plus jeune eau-de-vie de l'assemblage est âgée de quatre ans au minimum) étant plus boisé que le VS (Very Special dont la plus jeune eau-de-vie de l'assemblage est âgée de deux ans au minimum) et dégageant une sensation plus alcooleuse que pour l’XO (Extra Old dont la plus jeune eau-de-vie de l'assemblage est âgée de dix ans au minimum), j’ai trouvé qu’il accompagnait bien cette farce où l’on retrouve aussi du 4 épices, du thym et du cognac. » Sans oublier le foie gras de canard, bien sûr, au cœur du montage du pithiviers (cf. photo), le couple gras/alcool étant la colonne vertébrale des accords sur les spiritueux. Ici, nous avons un cas où le mets « éduque » le cognac en canalisant sa fougue et ses excès. L’Extra (tout comme pour l’XO, la plus jeune eau-de-vie de l'assemblage est âgée de dix ans au minimum, mais dans les faits, elle en a au moins le double), par ses notes de rancio, aurait pu faire un compagnon idéal au pithiviers, mais le chef a préféré le réserver à son tournedos de lièvre.

« Là, comme pour la grouse, j’ai voulu cuisiner le gibier de façon nature, en intervenant le moins possible, à la cuisson comme sur les épices. » Râble et cuisse sont réunis dans un ballotin entouré d’une crépine puis juste saisis afin que la crépine disparaisse dans la chair du lièvre et qu’il ne reste en bouche que le fondant du premier et la mâche de la seconde. Ici, l’Extra, avec les vielles eaux de vies entrant dans sa composition et leurs notes de fruits secs, de vieux cuir et de tabac, vient jouer le rôle d’un condiment. Tout comme, la sauce qui l’accompagne ainsi l’étonnante racine de persil, déclinée en trois façons, en garniture. Onctueuse et douce en purée, elle rappelle le panais, épicée quand elle rôtie et légère et iodée en chips.

« Au-delà des accords, le cognac est dans toutes les bases de la cuisine de gibier, tout comme dans celle de la truffe. Il est dans toutes les bases, sauces et veloutés. On l’utilise plus l’automne et l’hiver que l’été » conclut le chef.

(1) 11 Rue Richard Lenoir, 75011 Paris - Tel : 01 40 09 03 70

(2) Yves Marie Le Bourdonnec dit s’être inspiré de son ami Dario Cecchini, le boucher VIP de Panzano en Toscane pour élaborer cette macreuse de bœuf, frottée à l’ail et mise au sel dans un sarcophage d’herbes et paillage aromatique.

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