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  • Texte & photographies Jean Dusaussoy

Vous avez dit Beaujonomie ?


Tables beaujonomiques au Château de Champ-Renard (à gauche) et à celui de Poncié (à droite)

A l’occasion de Bienvenue en Beaujonomie où, à l’initiative d’inter-Beaujolais, 37 domaines (toutes appellations confondues) ouvraient leur porte à des chefs pour mieux faire découvrir leurs vins, à table — car il n’y a rien de mieux qu’un bel accord pour savourer un vin — une question se pose, 18 mois après le lancement du concept au Perchoir en partenariat avec 3 chefs des Jeunes Restaurateurs d’Europe (JRE), Clément Bidard, Anthony Courteille et Vincent Leleu (1) : « Qu’est-ce que la Beaujonomie ? »

Côté linguistique, c’est un mot valise entre Beaujolais et Gastronomie qui rime volontiers avec bonhomie, mais c’est avant tout un esprit de partage. Un partage autour des vins du Beaujolais, servis en magnum (2), et de mets qui s’y prêtent. Exit le service à l’assiette et les montages complexes ! En Beaujonomie, on présente le plat et chacun sert son voisin. Après, tout est possible, cela dépend de qui est derrière le piano.

Chez Joséphine à table, à Saint-Amour, on est beaujonomique depuis toujours, en souvenir de sa grand-mère qui « posait chacun des plats devant nous et avec son sourire malicieux nous disait « goûtez-moi ça ! ». Un retour de la cuisine familiale et bourgeoise sans avoir à la mitonner. Terrines et pâté-croutes, blanquette, pot-au-feu, riz au lait, crème caramel, tartes aux fruits… Comme chez mamie où l’on se réunissait autour de la table le dimanche, mais sans les disputes et les non-dits. Ce samedi, pour Bienvenue en Beaujonomie, joues de boeuf confites au Saint-Amour et écrasé de pommes de terre. C’est fondant et gouteux, on ne manque pas de se resservir en dégustant les Saint-Amour proposés en accord où les cuvées Vers L’Eglise 2017 du Domaine Hamet-Spay et Le Carjot 2016 du Domaine de La Pirolette tiraient particulièrement bien leur épingle du jeu.

Au Château de Poncié (Maisons & Domaines Henriot), Joseph Bouchard, le chef de culture, a fait appel Aurélien Mérot de l'Auberge du cep à Fleurie pour mettre les siens, en conversion biologique, à l'honneur. La table, montée dans le chai, donne au lieu un côté cérémonial (cf. photo d'ouverture droite). Le Pré Roi 2015 sur une version un peu modifié du pâté en croûte (ou pâté-croûte pour les Lyonnais) avec lequel le chef a été finaliste au mondial du dit pâté en 2013. L'accord avec le pâté seul se mariait bien avec ce vin gourmand aux tanins souples, mais préférait le Beaujolais-Village blanc Grande Lamure 2016 servi à l'apéritif avec sa moutarde de pistache et ses pickles. Carton plein en revanche pour la volaille fermière de l'Ain rôtie au foin, gratin dauphinois aux pleurotes sur La Salomine 2016. Toujours aussi gourmand que pour l'entrée, mais en plus ample. Le vin épouse au plus près les courbes de la gallinacée pour lui compter fleurette dans les coins du chai et du palais et le gratin fond en bouche. Orgasmique diraient certains...

Mais la Beaujonomie sait être nomade. Jean-Luc Longère et David Large, vignerons en Beaujolais et Beaujolais-Villages, nous ont reçu sur l'une des parcelles de ce dernier (une des plus hautes du Beaujolais 500 m) plantée en chardonnay, avec la complicité de Romain et Delphine Barthe (L'Auberge de Cloche Merle*- lire ici) pour les accords. Ici, point de table (même si la cuisine est étoilée), mais des ballots de paille, un combi Wolkswagen en guise de garde manger et de cave et des parasols qui se transforment au besoin en parapluie. C'est convivial et sans chichi avec des blancs qui vous laissent songeurs.

Un blanc vertical comme une cathédrale gothique, Nos 2 Elles 2018 où plus dans la largeur comme une chapelle romane en raison d'un élevage sous bois, En Verchères 2017 de Jean-Luc Longère, qui, avec 20% de sa production en chardonnay, est un des pionniers des Beaujolais-Village Blancs. Une production en constante augmentation sur les appellations Beaujolais ou Beaujolais-Villages. Côté accord, En Verchères s'adapte aussi bien à la verrine de bar au fenouil et sésame noir qu'au pâté en croûte d'agneau et de veau et ses girolles marinées.

David Large & Jean-Luc Longère

Dos Argenté 2018 de David Large, issus de la vigne à côté de laquelle nous sommes installés, vinifié en nature et non filtré (photo ci-dessous), est plus improbable (le vigneron le qualifie lui-même de underground berlinois), mais plein de charme avec ses notes de coing miellé qui en font un agréable compagnon pour le minestrone de fraise du Charentay et faiselle au miel du Passeloup.

Au Château de Champ-Renard, la table a regagné à salle à manger (cf. photo d'ouverture gauche). Dans un cadre néo gothique, les propriétaires, Fabienne Vilain et Denis Garnier ont demandé à Yann Blanc du Faisan doré à Villefranche-sur-Saône de concocter un menu pour sublimer leurs Beaujolais avec comme pièce maîtresse, une volaille de Bresse truffée cuit en vessie de porc, sauce foie gras et jeunes légumes.

Une recette héritée du chef Alain Chapel. La truffe est insérée sous la peau de la volaille et macère 8 jours avant d'être cuite en bouillon dans une vessie de porc. Une cuisine d'antan, bourgeoise et gastronomique à la fois, qui sied à merveille aussi bien au lieu qu'à ce large Beaujolais structuré sans être trop tannique.

Voilà, vous l'aurez compris, en attendant la seconde édition de Bienvenue en Beaujonomie, à chacun de s'emparer de cette dernière pour la pratiquer chez soi entre amis, mais n'oubliez pas, il faut toujours partir du vin pour aller vers l'assiette, c'est le plus court chemin pour un accord réussi !

(1) On le retrouve Au Domaine Dominique Piron avec une épaule d'agneau confite et effilochée montée en tourte avec un caviar d'aubergine au cumin et pomme délicatesse cuite sur le Morgon Côte de Py 2017

(2) « Le format idéal à deux surtout lorsque l’autre ne boit pas », selon le dicton.

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