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  • Jean Dusaussoy / Photos stylisme culinaire ©Stef

Cognac & Canard / Pascal Bardet & Florian Balzeau / Le Gindreau (Lot)

Première parution dans En Magnum #13

Si pendant longtemps le Cognac a accompagné le canard en cuisine, c’était pour aromatiser les recettes. On le retrouvait en abondance dans les terrines et autres préparations. Aujourd’hui, il sort de la cuisine pour être à table afin d'accompagner les mets. Pour décortiquer cet accord de connoisseurs, direction Le Gindreau (1) dans le Lot, où le chef doublement étoilé, Pascal Bardet, pratique le canard sous toutes ses formes, foie gras, bien sûr, mais également abats et viande.

« La fonction brûle-graisse du Cognac en accord de contraste, cela fonctionne bien » commente Florian Balzeau, chef-sommelier maison, qui conduit la dégustation. En effet, l’alcool va venir aiguillonner le gras. C’est même, au-delà du Cognac, l’un de deux couples de tous les accords sur les spiritueux, l’autre étant avec le sucre.

Pour commencer en douceur et illustrer ce propos, le chef nous propose une Bouchée d’anguille fumée et foie gras confit, vinaigre de riz et feuille d'algue, que le sommelier associe au VS frappé. Toujours commencer par se faire le palais avec une petite gorgée de ce cognac devenu huileux sous l’action du froid, qui permet également d’éviter le petit choc de l’alcool à la mise en bouche. Une fois réchauffé sur le palais, le VS développe des arômes vanilline provenant de l’élevage en fûts neufs et révèle sa puissance. C’est là où il va rencontrer, le gras non seulement du foie confit, mais également celui de l’anguille qui apporte aussi une note fumée. Les différentes textures des chairs viennent enrober la vivacité de ce cognac jeune et celle du nori (2) apporte un peu de croustillant à ce maki revisité.

« Nous sommes dans une région de canard gras, non seulement pour les foies, mais aussi pour les abats qui ne sont pas maigres » continue Florian Balzeau pour introduire le second accord, des Coeurs d'aoucou (3) et champignons des bois du moment mijotés ensemble sauce civet, rissole croustillante aillée et persillée avec le VSOP servi frais (4). Ici, au couple gras/alcool, vient s’ajouter le côté corsé de la sauce civet et le sous-bois des champignons (actuellement des cèpes), sans oublier la persillade pour couronner le tout. De quoi tenir tête au boisé de ce cognac qui, intermédiaire dans son vieillissement, est souvent marqué par le fût. La cuisson rosée des cœurs est importante car elle apporte de la mâche au plat sans renier le fondant du met.

Pour les deux accords suivants, il faut tenir compte du vieillissement beaucoup plus long des Cognacs avec leurs notes oxydatives, toujours gourmandes sur l’XO et partant sur des rancios (5) plus austères avec l’Extra.

Commençons par le Foie gras de canard « retour du Moulin de Martel (6)» tourteau noix et noisettes acidulées, pommes de terre Amandine tiédies, alicot (7) de feuilles de livèche et citronnier (cf. photos), dont l’intitulé mérite quelques explications. Point un terre & mer (bien que le chef en fasse d’excellents), le tourteau est ici le résidu solides de l'extraction de l'huile noix et noisettes. Le foie gras est d’abord poché puis grillé, avec les noix et noisettes torréfiées, sur les coques de noix et feuilles de citronnier et enfin servi avec un consommé de canard avec la livèche (une herbe aromatique au goût de céleri) et les zestes de citron confit au sel. Si l’on s’en tient qu’au foie gras et son « crumble » de fruits à coque, l’accord est pour l’XO avec son côté gourmand et ses notes « tatin », mais dans sa totalité, avec les notes herbacées de la livèches et acidulées du citron, l’équilibre penche du côté de l’Extra dont les rancios répondent parfaitement à la finesse du met.

Enfin terminons avec une suggestion du chef pour l’automne et la saison de la chasse qui arrive avec un Col vert rôti sur coffre, jus corsé d’abatis, coing confit. « Dans ce cas, commente le chef-sommelier, pas fonction brûle-graisse car il n’y a pas de gras. C’est la force de la sauce d’abatis, corsée et réduite, liée au sang qui donne le tempo pour un cognac vieux. » Et de conclure : « Ce sont des accords pour un public averti. » A ne pas laisser à la portée de tous les palais ?

Pourtant Le Cognac, avec sa douce gifle gustative, est l’un des plus bel accord sur le foie gras. Un accord qui réveillera vos papilles quelle que soit la saison.

(1) Le Bourg, 42330 Saint-Médard - 05 65 36 22 27

(2) Algue marine comestible, utilisée séchée en particulier pour la confection des makis.

(3) En patois, nom utilisé pour une petite oie ou canard.

(4) Pour les accords à table la température de service est très importante. Il convient de le servir comme à 10-12° comme on le ferait pour un vin blanc. Cela évite la petite « marche » à la mise en bouche et n’enlève rien à ses arômes car il se réchauffe immédiatement sur le palais.

(5) Notes oxydatives typiques des très vieilles eaux-de-vie que l’on retrouve aussi dans la famille des Tawny (Porto) ou les vins de voiles (Vins jaunes ou Xerès secs) ainsi que les vins éponymes en Catalogne.

(6) Les Landes, 46600 Martel - 05 65 37 40 69 - Marie-Claude et Jean-Luc Castagné assurent le relais de la 6ème génération de producteurs de noix dans cette ferme où il font leur huile.

(7) Traditionnellement dans le sud-ouest, on cuisinait ce plat lors de l'abattage des oies ou des canards gras. Ce ragoût est cuisiné avec les abatis des volailles. Ici, il se réfère au consommé.

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