La France, premier pays consommateur de whisky avec 2,15 litres par habitant (1), n’avait pas de whisky français (2). A l'occasion des 1 an de la sortie du dernier opus de la tétralogie de ce whisky « patriotique », Le Blanc, vieilli en fût de Sauternes, retour avec leur créateur, Jean Moueix, héritier d’un grand groupe bordelais, et Alexandre Sirech, ancien responsable de célèbres marques de spiritueux, sur cette épopée française portée par leur société, Les Bienheureux.
C’est d’abord l’histoire d’une rencontre autour de valeurs communes
Jean Moueix
« On s’est rencontré à Cuba, où vivait Alexandre à l’époque (il y a une dizaine d’années ndlr), dans des conditions irracontables, mais on est devenu très copains tout de suite et on a partagé des valeurs communes… »
Septième Goût
Malgré une petite différence de génération ?
Alexandre Sirech
« Merci de le rappeler (rire). Oui, une petite génération, mais en maturité, nous sommes de la même génération. Ce qui veut dire soit que je suis très attardé, soit qu’il est très en avance. »
Jean Moueix
« Sûrement un peu des deux (rire). On a eu tout de suite des valeurs communes, une sensibilité commune et des goûts communs. On est d’abord devenu ami avant de s’associer. On ne se serait pas associé en se disant on va combiner nos savoir faire et nos curriculums, ça n’aurait pas marché. Et c’est en parlant de la France que l’on s’est dit, on adore notre pays qui est formidable, on adore boire aussi et c’est dommage qu’il y ait pas un whisky français.
Septième Goût
Il existe pourtant d’autres whiskies distillés en France.
Alexandre Sirech
« Oui, mais ils sont sur un positionnement régional et non national. Or le patriotisme fait justement partie de nos valeurs.
Septième Goût
Alors, sans faire de politique, qu’est-ce qu’être Français ?
Alexandre Sirech
« C’est la synthèse de choses très différentes dont la somme est supérieure à la somme des composantes. »
Jean Moueix
« Une synthèse très ouverte sur le monde et nourrissant de ses diversités. Mais qui est avant tout un savoir faire, des matières premières, qui existent depuis des siècles et des siècles et que l’on essaie aujourd’hui avec Bellevoye de mettre en avant. »
Alexandre Sirech
« Et en faisant cela, on s’est rendu compte du bien fondé de « l’idée France ».
Jean Moueix
« Alexandre a commencé dans les spiritueux puis dans le vin. Moi, j’ai fait plein de petites choses, puis je suis passé au vin. Et on avait tous les deux dans un univers de vin une approche commune de la marque qui nous a amené à vouloir aller vers les spiritueux car dans l’univers de vins & spiritueux, les marques sont beaucoup plus présentes dans les spiritueux que dans le vin plus attaché au terroir. »
C’est ensuite une histoire de deux noms : Bellevoye et Les Bienheureux
Alexandre Sirech
« En Lorrain, Bellevoye, c’est « le beau chemin », mais surtout on voulait un nom qui nous corresponde. On considère la vie comme un cadeau que nous ont fait nos parents et ce cadeau pour le vivre bien, il faut tracer sa voie et qu’elle soit belle. Une philosophie de vie. De plus, petite anecdote, c’est intéressant que ce soit un nom lorrain car bien avant que les anglo-saxons s’approprie le monopole du mot whisky qui veux dire « eaux-de-vie » en Gaélique, le descendant de Lothaire qui avait la Lotharingie (3) et dont la cour était basé la plupart du temps à Nancy, buvait déjà une eau-de-vie, qui était déjà du whisky, distillée à base d’orge maltée de Lorraine. »
Jean Moueix
« Les Bienheureux, c’est tout sauf innocent et cela oblige. Alexandre et moi avant de se connaître et de décider d’entreprendre ensemble, on avait tous les deux un boulot. On était très heureux et maintenant… on est très malheureux (rire). Non, mais disons que nous n’avions pas du tout besoin de s’associer. Donc, cela a été fait pour une seule et unique raison, faire de belles choses dont nous sommes fiers et pour que cela rendent les gens autour de nous, fournisseurs, clients, employés, et nous même au passage, plus heureux.
Le nom nous a été donné pendant un dîner dans un restaurant pendant lequel nous le cherchions. Il était tard et la patronne nous invitait gentiment à partir. On lui a dit qu’on ne partirait pas tant que l’on n’aurait pas trouvé notre nom. Elle était un peu ennuyée, alors on lui a demandé à quoi on lui faisait penser et elle a répondu spontanément : à des bienheureux. »
Mais c’est surtout une histoire d’excellence
Alexandre Sirech
« Si avec un seul jus on avait trouvé notre bonheur, on aurait fait un single malt. Si on fait un triple, c’est qu’à force de bosser on s’est rendu compte que, un peu comme on le retrouve dans les propriétés médocaines, où on a une base de cabernet-sauvignon sur laquelle vient se greffer du merlot et du petit verdot, quand on va associer le meilleur du Nord, de l’Alsace et de la Charente, tu arrives à un résultat dont la qualité est supérieure à la somme de toutes les composantes, ce qui est le rêve de tout assembleur.
Avant que l’on mette notre patte d’éleveur, on a sélectionné 3 whiskies des 35 whiskies français que l’on a goûtés à l’aveugle et après on a travaillé la formulation de l’assemblage qui est le fond de notre métier. On peut passer une journée sur l’assemblage d’un seul article pour y retrouver le style que l’on recherche dont les trois mots sont l’élégance, la finesse et l’équilibre et qui nous a demandé trois ans de recherche et développement. »
Septième Goût
Un travail proche de celui d’un parfumeur.
Jean Moueix
« Tout à fait. Et qui se poursuit avec l’élevage. Normalement les spiritueux, sont élevés dans des fûts qui ont déjà servi ou qui ont été chauffés très fort et très vite. A Bordeaux, on a une technique de chauffe (4) pour les grands crus qui est très douce et très lente en laissant couler un peu d’eau pendant la chauffe et on s’est dit que cela pourrait être intéressant de rapporter cette technique inédite dans le monde des spiritueux pour Bellevoye. »
Alexandre Sirech
« Quand on chauffe si lentement et en arrosant, on ne brûle pas du tout et le whisky va pouvoir entrer jusqu’à mi-douelle (5) pour se charger de lignine (6) notamment, ce qui lui donne un rond fruité, mais sans le côté toasté vanillé, et fait la différence du style Bellevoye. »
Une histoire d’excellence qui appelle la reconnaissance
Jean Moueix
« La première mise, c’était en septembre 2015 avec un tout petit lot (3600 bouteilles) de Bellevoye Bleu et on est tombé en rupture de stock deux mois après car on avait pas assez du jus. La seconde mise, en avril 2016, fut un lot de 25000. Le Rouge (meilleurs lots de Bellevoye avec un élevage plus long) a été lancé en septembre 2016 et pour 2017, le Noir, finement tourbé, est sorti en avril 2017 et, en septembre, le Blanc avec un finissage en fûts de Sauternes. »
Septième Goût
Une excellence qui vous a conduit jusqu’à l’Elysée (7)
Alexandre Sirech
« Oui, et le fait que Lufthansa, qui cherchait à remplacer son whisky pour sa première, prenne un whisky français alors que rien ne les y oblige, c’est un signe de notre point de différenciation.
Chez Bellevoye, on ne fait pas de marketing comme dans les grands groupes de spiritueux, Si le jus n’est pas vraiment singulier, derrière, il n’y a pas de ré-achat. »
(1) Selon une étude de 2014
(2) S’il existe de nombreux whiskies régionaux, comme ceux du domaine des Hautes Glaces dans le Vercors ou le Black Mountain de la montagne Noire, dans le parc régional du Haut-Languedoc, il n’existait pas de whisky hexagonal, ce qui le cas de ce triple malt.
(3) Royaume de Lothaire II qui s’étendait de l’Escaut au Rhin et de la mer du Nord au Jura
(4) Action de toaster à la flamme plus ou moins fortement l’intérieur d’une barrique
(5) Pièce de bois cintrée dont sont formées les barriques
(6) La lignine est une molécule qui fait partie des différents composants du bois
(7) Depuis juin 2016, Bellevoye est entré à la carte de L’Elysée
Whisky : Blend, Single Malt et Triple Malt ?
Le whisky est une eau-de-vie obtenue par la distillation d'une ou de plusieurs céréales fermentées et vieillie au minimum 3 ans en fût de chêne.
Si plusieurs céréales entre dans sa composition, il s’agira d’un Blend.
Un Single Malt est un whisky distillé uniquement à partir d’orge maltée.
Un Triple Malt est l’assemblage de 3 Single Malt. Il en existe que deux au monde, l’un chez Monkey Shoulder et l’autre chez Bellevoye.
La Gamme Bellevoye
Bellevoye Bleu, avril 2016, 25 000 bouteilles
Triple Malt venant de trois distilleries françaises (Nord, Alsace, Charente)
Elevé de trois à huit ans en barriques de chêne français dans chacune des trois distilleries sélectionnées, puis de neuf à douze mois (selon météo) post-assemblage en barriques neuves de chêne français chauffées selon une méthode inédite. Cet élevage final a lieu dans le chai Bellevoye en Charente.
Bellevoye Rouge, septembre 2016, 10 000 bouteilles
Triple Malt. Assemblage haut de gamme réalisé avec les meilleurs fûts du chai Bellevoye
Bellevoye Noir, avril 2017, 5 000 bouteilles
Triple Malt tourbé de la gamme Bellevoye, distillé à partir d’orge maltée, séchée à la tourbe de Lorraine.
Bellevoye Blanc, septembre 2017, 15 000 bouteilles
Un Bellevoye Bleu avec un finissage en fûts de Sauternes.