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  • Texte & photographies Jean Dusaussoy

Quand Cahors rencontre Simmental / Manoir de Rétival (Seine maritime)


Il fallait avoir grand appétit fin mai au manoir de Rétival, où le chef allemand David Goerne tient sa table d’hôte étoilée, nommée « G a » en référence au rébus de Voltaire (1), pour la rencontre du bœuf bavarois avec les vins de Cahors. Si la race Simmental est originaire de la vallée éponyme en Suisse alémanique, on la retrouve en Bavière sous le nom de Fleckvieh. Tout comme, si le cépage Malbec (appelé également Côt ou Auxérois) vient de Cahors, il s'est exporté avec le succès que l'on sait en Argentine, avant que le « French Malbec » ne s'exporte à son tour. Malbec du sol et Malbec del sol.

De gauche à droite : Anthony Courteille (Matière à), Allan Castellote (Le Senso), David Goerne (G a) et Bejamin Delpierre (La Liégeoise)

Le chef avait convié pour l’occasion trois chefs JRE France de ses amis pour concocter un menu improvisé le matin même à partir des différentes parties du bœuf. Un parfum de Jam Session (pour de pas dire de bœuf) flottait ce matin-là dans la cuisine du manoir. Chaque chef ayant choisis ses morceaux, ils attaquèrent (j'allais dire les interprétations) les préparations. Filet et entrecôte, bien sûr, mais aussi des parties moins nobles comme la langue, la joue ou les rognons…

Haché, pressé, fumé, rissolé, rôti où juste saisi, rien ne fut épargné à ce bœuf à la chair fondante pour aboutir aux cinq mets dégustés :

Tartare de boeuf, huître, caviar et consommé de queue de bœuf par David Goerne (Restaurant G a*), Pressé de joue, langue, moelle de boeuf et céleri par Anthony Courteille (Restaurant Matière à), Filet de boeuf, coucous de brocoli, pignon, asperge et pimprenelle par David Goerne, Rognons à la réglisse, petits pois, oignon caramélisé par Allan Castellote (restaurant Le Senso) et Entrecôte de Boeuf fumée au romarin, ail nouveau confit par Benjamin Delpierre (restaurant La Liégeoise*).

Une fois les mets connus, restait à accorder les vins, mais à la différence de L’Expérience Cahors Malbec où avec les chefs nous partons des vins pour aller vers l’assiette, ici, la situation était celle classique pour un sommelier en restauration : trouver le meilleur vin possible pour un plat déterminé. Heureusement, boeuf et Cahors font facilement bon ménage. Néanmoins chaque spécificité des préparations inclinait pour chacun des vins aux profils très différents, qu'avec Allan Castellote nous avions dégustés au petit déjeuner.

Le Bloc B763, du nom de la parcelle, du Mas del Perié (2015) est un vin minéral, comme on le dirait d'un blanc, mais qui est rare pour un rouge, avec la verticalité digne d'une cathédrale gothique, ce qui est encore plus rare, dû à un élevage en amphore qui ne marque pas du tout le vin, mais le laisse respirer et lui conserve toute l'acidité du cépage en lui apportant de la longueur. C'est grâce cette acidité qui permet au vin de se marier avec l'huître et caviar de ce tartare de boeuf aux saveurs marines préparé par David Goerne, le consommé de queue boeuf faisant le lien entre tous les éléments et équilibrait le côté ferreux de la chair crue. Un accord surprenant et subtil.

Le deuxième l'était tout autant. L'Envie (2016) du Château Haut Monplaisir, sur la jeunesse du fruit, avec toujours cette belle acidité propre au Malbec quand elle n'est pas masquée par un élevage trop important, jouait sur la fraîcheur pour accompagner le Pressé de joue, langue, moelle de boeuf et céleri d'Anthony Courteille. La touche nature du vin, sans déviance, donnait une insouciance au plat.

Plus classique était, la cuvée Maurin (2015) du Domaine La Bérangeraie, issue d'un terroir sidérolithique, sur le filet de boeuf, couscous de brocoli, pignon, asperge et pimprenelle de David Goerne, boeuf saignant et tanins faisant bon ménage. L'originalité venait de la garniture végétale, avec le "couscous" de brocoli, le jus faisant le lien entre tout les ingrédients.

Une étoile est née (2014) du Mas des Étoiles est une cuvée marquée par le bois avec ses notes de vanilline dont le chef Allan Castellote a su jouer avec ses rognons à la réglisse, petits pois, oignon caramélisé, la réglisse faisant le pont aromatique avec le vin. Une osmose en bouche avec les rognons fort en goût, mais adoucis par la sucrosité de l'oignon et des petits pois.

Le dernier accord jouait sur le fumé et les épices. Celui de la cuvée Patiemment (2015) du Château Ponzac avec ses notes poivrées répondait à l'Entrecôte de boeuf fumée au romarin, ail nouveau confit de Benjamin Delpierre. Un accord traditionnel si ce n'est la tête d'ail confit qui prenait la place d'un condiment et venait titiller les papilles.

La rencontre entre le Boeuf de Bavière et les vins de Cahors fut savoureuse, sauf pour un vegan bien sûr, mais il n'y en avait pas autour de la table, et, pour naturelle qu'elle puisse paraître, elle montre que l'accord boeuf & vin rouge peut être réinventé à chaque fois selon l'inspiration des chefs.

  1. « G grand a petit » = J’ai grand appétit. Si vous voulez savoir toute de l'histoire de ce rébus, c'est ici.

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