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  • Texte & photographies Jean Dusaussoy

Cognac & Chocolat / Patrick Roger

(Première version parue dans En Magnum #10)

Une rencontre avec Patrick Roger (Meilleur Ouvrier de France, catégorie Chocolat, en 2000) est toujours un moment rare car la discussion procède par fragments. Il faut du temps pour rentrer dans son univers. Lorsque, avec David Boileau, ambassadeur du Cognac pour le BNIC (1), nous poussons la porte de son immense laboratoire-atelier à Seaux, Patrick vient jute de rentrer d’Afrique où il est parti voir de plus près les chimpanzés dont il espère que l’intense activité sexuelle de ces derniers le sortira de l’abstinence de son animal fétiche, le gorille.

Rappelons pour l’anecdote que c’est grâce à « Harold », un gorille de 62 kg de chocolat sculpté pendant 27 heures, qu’il porte aujourd’hui son col bleu, blanc, rouge de MOF et que sa dernière série pour la Saint Valentin reprenait le motif des trois singes de la Sagesse, des gorilles évidemment, auquel il en a rajouté un quatrième dont les mains n’occultent ni les oreilles, les yeux ou la bouche, mais le sexe. « Lui, c’est moi » dit-il avant de plonger sans transition dans le sujet du jour : « Le chocolat bouffe tout, c’est très simple, car il est beaucoup plus couvrant » en se souvenant des essais fait quelques années auparavant pour Hennessy dont un vestige reste à son catalogue, une demi-sphère enrobant un grain de raisin macéré dans le Cognac.

Il a néanmoins fait préparer trois chocolats pour la dégustation. Une ganache nature, une ganache café et une orangette les trois enrobés du même chocolat noir de Madagascar que nous dégustons dans le désordre car « il n’y a pas d’ordre dans la dégustation puisque le chocolat domine tout. » Nous commençons donc par la ganache café que nous associons au VSOP pour ses notes boisées.

« Tout de suite, il y a la note de café qui monte comme à la torréfaction » commente le chocolatier. « Oui, torréfiées, continue David Boileau, ce sont des notes que l’on retrouve souvent sur le VSOP qui est un Cognac assez toasté, même au nez ». « Vous avez senti cela révèle ce chocolat, un gros grain du Mexique qui sert de base à cette ganache café lactée et la plus sucrée de la gamme. » conclut Patrick Roger. Le Cognac lui donnant un petit côté caramel en bouche.

Passons à la ganache nature que nous dégustons avec l’XO, l’acidité du chocolat répondant aux notes de rancio du Cognac. « Il y a beaucoup plus de puissance sur le chocolat et plus de maturité et d’expression sur le cognac » commence David Boileau, « Ça le sertit », poursuit le MOF comme une pierre mise en valeur par l’écrin de sa monture.

Nous dégustons le suivant, L’Extra sur l’orangette. Un accord qui tient sur le confit. « Le temps passant permet de concentrer les arômes et de perdre les parties les plus volatiles qui donnent cette sensation d’alcool. » Un paradoxe qu’explique David Boileau à Patrick Roger qui s’étonne d’une attaque en bouche plus douce.

« Dans la dégustation, je n’ai qu’un objectif, c’est de savoir si tu en manges beaucoup. Là, tu as juste envie d’en reprendre » déclare le chocolatier en la trempant l’orangette dans le Cognac avant de la manger. « Une façon de recréer un Grand Marnier de manière très artisanale » plaisante David Boileau. Nous terminons par le VS frappé, c’est-à-dire passé au congélateur afin d’éviter l’attaque vive en bouche de ce Cognac jeune, avec lequel nous revenons sur la ganache au café. A la différence du VSOP, qui mettait en avant le torréfié, le VS fait ressortir la saveur de café avec une petite amertume en fin de bouche qui fait saliver. « Il n’y a qu’une vérité, c’est si tu as envie d’en reprendre ou pas. Et c’est valable pour le chocolat comme pour le vin » dit Patrick Roger qui vient de sortir sa première cuvée de Côtes catalanes rouge et se trouve déjà à la carte d’établissements prestigieux comme L’Assiette Champenoise d’Arnaud Lallement ou Le Gabriel de Jérôme Banctel.

« La vigneronne est archéologue de formation et on travaille en amphore car le brief était d’avoir le moins de bois possible pour commencer. On a acheté plein d’amphores différentes d’Italie, d’Espagne et de France et on a testé. C’est comme pour le chocolat où l’on travaille à partir d’une soixantaine préparations différentes que l’on mixent comme on veut » Un métier finalement pas si éloigné de celui de maître de chai des maisons cognaçaises.

(1) Bureau National Interprofessionnel du Cognac

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