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  • Texte & photographies Jean Dusaussoy

Cognac & Truffe by Thierry Verrat / La Ribaudière (Bourg-Charente)

(Première parution dans En Magnum #9)

Si de plus en plus de chefs cultivent leur potager, rares sont ceux à posséder une truffière comme Thierry Verrat, chef étoilé depuis 20 ans à la Ribaudière (1) en toute discrétion. A Bourg-Charente, loin du cirque médiatico-gastronomique parisien, il est toujours à l’affut du bon produit.

En cette matinée automnale ensoleillée, le chef emmène Ips, sa chienne labrador, se dégourdir la truffe en cavant de quelques « remontantes » (2) dans sa truffière près de Jarnac avant le début de la saison. La pleine saison de la truffe sont les mois de janvier et février, mais le marché commence pour les fêtes, dès décembre, et se termine en mars.

Le mariage de la truffe et du cognac est naturel pour Thierry Verrat. « Quand je suis avec ma chienne et que l’on partage cet instant de découverte où ça sent la terre, l’humus, le champignon, c’est exactement les arômes qu’on peut retrouver dans de très vieilles eaux de vie dans des barriques qui ont 30-40 ans. La sensation est exactement la même, donc le mariage s’impose naturellement. Pour avoir des truffes, il faut du temps. Avant de pouvoir les apprécier, il va se passer dix ans. Un cognac, c’est pareil. Entre le moment où on le distille, selon le chai à barrique, sec ou humide, où on l’élève et le moment où on le déguste, il se sera passé 20, 30 voire 40 ans. Très souvent, on apprécie ce qui a été fait par le grand-père ou le père et on prépare à la descendance. C’est de la transmission, de l’attente, de la patience dans un monde qui va aujourd’hui à 200 km/h. »

Pour célébrer les 20 ans de l’étoile, Thierry Verrat a concocté avec son chef de cuisine, Thierry Michelet, et son fils, Julien, qui s’occupe de la recherche et du développement, un menu Truffe & Cognac en sept services. En avant-première, le chef lève le voile sur quelques accords.

« Pour faire l’entrée on est parti du cognac. Un VS avec un côté très frais, très fleur blanche, servi frappé, et on est allé, avec notre voisin de Gensac (3), sur un saumon de fontaine, un type de truite à la chair très fine, pour en faire un tartare truffé où l’on retrouve tous les éléments d’un tartare, mais sans la puissance, en ne gardant que la finesse. On a pris le jaune d’œuf que l’on a fait cuire à 62°C pour en faire une fin disque que l’on vient poser sur le tartare et sur lequel on vient déposer du caviar de brochet que l’on a légèrement fumé au bois de barrique pour retrouver le pont gustatif avec le cognac. »

« Pour le « bonbon de truffe » poursuit Thierry Verrat, on a voulu créer un leurre en détourant l’attention de gens qui pensent avoir une demi-truffe à croquer et paf, c’est un piège. Il y a de la truffe, mais pas comme on l’attend car on la marie avec le canard, ou plus précisément avec de la graisse de confit de canard dans laquelle on fait doucement infuser à 60° la truffe (le support gras et le support alcoolique sont les deux supports qui développent les goûts). On emprisonne ensuite le résultat d’une incroyable finesse et élégance dans une pâte à raviole recouverte de fines lamelles de truffe que l’on sert dans une cuillère pour que, quand la personne croque, cela soit une explosion en bouche. » Une explosion et une complexité de saveurs qui demande la rondeur et le rancio d’un XO.

Mais pour Thierry Verrat, l’hiver, qui est sa plus belle saison, appelle le gibier. Pour cela, il a travaillé un accord sur le Garenne. « Tout le monde connaît le lièvre, le perdreau, le faisan, mais on a la chance d’avoir un producteur qui nous fait des petits lapereaux qui sont juste magnifique, c’est de la soie. On le prépare dans la grande tradition française (cf. comme pour un lièvre à la royale). C’est farci de truffe, de foie gras, du genièvre, 48h de cuisson, On est vraiment sur le plat d’hiver par excellence que l’on peut se permettre d’accompagner d’un très très grand cognac (un Extra ou un Hors d’âge). On a une grosse complexité de saveurs qui requiert de très vieilles eaux de vie, de très vieux cognac. C’est vraiment un mariage de stars. »

Et si vous n’étiez pas à l’atelier gourmet qu'à donné le chef au Grand Tasting où il expliqua comment le cognac joue comme un « assaisonnement » des mets, il ne vous reste plus qu'à vous rendre à Bourg-Charente !

(1) 2 Place du Port, 16200 Bourg-Charente - Tel : 05 45 81 30 54

(2) Truffe melanosporum précoce qui affleure le sol sans être mûre.

(3) Voir l’accord Cognac & Truite, chroniqué dans En Magnum #8

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