En dégustant une fine lamelle de la dernière truffe de la saison sur une mouillette beurrée et trempée dans un simple œuf coque*, (mais, attention ! lequel a précédemment passé quelques jours enfermé avec elle dans une boite pour en capter tout l’arôme par capilarité, la coquille d’œuf étant poreuse), comment ne pas repenser à cette matinée passée à caver avec Chipie, le labrador, et son maître, Roland Fond, dans une de ses truffières non loin de la cave les Coteaux de Visan dont il est le coprésident ?
La dégustation et le déjeuner qui suivirent confirmèrent que, si les blancs s’accordent mieux avec la truffe en général, et notamment le viognier (la Grande Réserve blanc 2014, assemblage majoritairement de viognier et de grenache blanc en est un bon exemple), les rouges peuvent trouver l’accord également s’ils sont évolués car, avec l’âge, le grenache noir et la syrah tout particulièrement peuvent dégager des arômes tertiares de truffe, (le sulfure de diméthyle ou DMS), comme le prouve la cuvée du Marot 2006 (70% grenache noir, 20% syrah, 10% mourvèdre), élevée 10 mois en cuve béton puis un an en magnum (jusqu’en 2012, elle n’était disponible qu’en ce format) emmurée dans les caves du château de Visan.
Evolution que la mini-verticale 2012/2006/2005/2004 confirmait. Si le 2012, sur le fruit noir, révèle une petite sècheresse tannique finale due à sa jeunesse, le 2004 dénote un début d’oxydation et le 2005, plus structuré, laisse parler de puissants tannins. Le 2006 est le plus équilibré de cette série. Evolué, mais sans aucune trace d’oxydation, il possède l’élégante rondeur de ses tannins et encore beaucoup de fraicheur. Des arômes de fruits rouges mûrs avec des notes finales de sous-bois qui « truffent »… Le privilège de l’âge.
On aimerait savoir ce qu'une semblable verticale donnerait avec Prestige (50% grenache noir, 35% syrah, 15% mourvèdre), cuvée phare de la cave de Rasteau qui s'est réunie avec celle de Visan pour mutualisation logistique des moyens (un mouvement qui touche d'autres caves de la vallée du Rhône, nous en reparlerons). Plus épicée que celle du Marot en raison d'une part syrah plus importante, le millésime 2011 développe des arômes de fruits noirs et tout particulièrement de myrtille avec des tannins ronds et une finale réglissée... Une union de raison pour des vignerons de cœur à suivre !
* lire le papier de Sylvie Deroire avant de choisir son oeuf : http://terroirevasion.com/comment-reconnaitre-un-bon-oeuf/