Il est des maisons où il fait bon revenir et ce qui fait la différence réside toujours dans le sens de l’accueil.
Les vins de Grignan-les-Adhémar m’ont récemment offert l’opportunité de revenir dans l’une d’elles, Apicius (le bien nommé), pour constater, avec plaisir, le parcours réalisé en seulement cinq petites années de cette appellation qui constitue avec celle de Vinsobres une identité bien à part entre les côtes du Rhône méridionales et septentrionales, que je nomme les côtes du Rhône équatoriales (je vous en avais déjà parlé sur Terre de vins).
Grace à leur situation géographique et l’altitude de leurs terroirs, les syrahs gardent toujours de la fraîcheur ainsi que les viogniers qui gagnent également à chaque millésime un peu plus d’ampleur. Pour preuve, cette Perle de Viognier (2015) du domaine Rozel qui sous-tendait juste ce qu’il fallait, sans les écraser, les saveurs délicates de la Charlotte de volaille de Bresse aux dernières truffes de la saison, signée par le chef Jean-Pierre Vigato. Choux vert lardé, suprême en morceaux, abats et oignons déglacés se mariaient aux arômes floraux de cet ample et minéral viognier. Plus qu’un mariage de raison, une de ces relations qui fusent où l’on rebondit sur ce qu’exprime l’autre et vice-versa… un petit moment de bonheur papillaire.
Pourtant, si j’ai toujours grand plaisir de revenir chez Apicius, ce n’est pas seulement pour la cuisine de son chef, mais aussi pour les trésors de son bar que le maître des lieux, Gilles Dubreuil, vous fait découvrir avec une douceur toute levantine. Amateurs et amatrices (si, si, il y en a) de marcs (eau de vie de grain et rafle de raisin une fois pressés) et de fines (eaux de vie de vin), ne mourrez point sans avoir dégusté celles du Château Grillet (époque de Neyret-Gachet père). Bien que fines et marcs soient rarement millésimés on peut dater ceux-ci, achetés par le chef sommelier, Hervé Milet, de la seconde partie des années 80 grâce au petit sceau de la Sécurité Sociale sur l’étiquette, stigmate des lois Evin.
Si l'on retrouve dans les deux l’aromaticité du viognier, unique cépage de cette appellation datant de 1936, enclavée entre celle de Condrieu et les vins de Vienne, la fine est étonnamment plus vive que le marc beaucoup plus rond, même s’il conserve une certaine rusticité, qui n’est pas sans rappeler celle de la dernière bouteille de la réserve de Fernand Point à La Pyramide, que Patrick Henrioux a eu la gentillesse de nous faire déguster il y a quelques temps avec mon ami et parfois compagnon de route, Fabrizio Buccela.
Rusticité parfaite pour accompagner les volutes d’un Pitbull Carlito (100% Nicaragua), création de Cyril Pelletier chez Art Tabac, sur la terrasse donnant sur le jardin. Ephémère éternité… le temps d’un last marc in Paris.