Rencontre au petit-déjeuner avec le chef Julien Allano, dans le jardin du Clair de la plume, (Châteaux & Hôtels Collection sous les fenêtres de Mme de Sévigné à Grignan), après un dîner en huit plats autour des cuvées d’exception de la maison Paul Jaboulet Aîné. Couché 2h30, levé 5h pour être à 6h30 aux halles d’Avignon comme trois fois par semaine afin de s’approvisionner en produits frais. Petite nuit pour le chef qui garde pourtant son sourire coutumier.
Avant d’aborder la « petite cuisine intérieure » qui meut Julien Allano, retour sur quelques plats et accords de la veille. A commencer par la daurade de Méditerranée marinée aux herbes potagères, granité au citron combawa. Secret du chef, le poisson est cuit au sel. Il conserve ainsi une belle texture et tout son jus, que l’on pourrait croire de coques pour son intensité, une fois mélangé à la marinade et qui mériterait une petite cuillère pour pouvoir le laper jusqu’à la dernière goutte. Pour l’accompagner, un Blanc de Blancs, grand cru non millésimé, de chez Billecart Salmon (qui appartient à 45% à la maison Jaboulet). La minéralité tendue du chardonnay de la Côte des blancs répondant au côté iodé frais du met. Une autre manière de l’accorder aurait été de l’enrober avec cet Hermitage blanc Chevalier de Sterimberg 2011, servi sur une méridionale compression de tomates anciennes, sorbet basilic et « neige » d’huile d’olive. Là, marsanne et roussane entrant dans la composition du vin, élevé pour part dans un œuf en ciment, seraient venues déglacer le poisson mariné.
Pendant de la daurade dans sa version viande, le filet de bœuf Simmental au cuir de vin rouge et délicatesse confite au beurre frais. Un terre et mer à distance comme en écho, le fondant de la viande juste saisie rappelant la texture de la mise en bouche. Là encore, deux vins possibles pour l’accompagner : un Château la Lagune (2010) Haut Médoc rouge, 3ème grand cru classé, l’autre domaine de la maison, racheté en 1999, que conduit Caroline Frey depuis 2006, comme proposé dans le menu, ou un La Chapelle, Hermitage rouge (2004), cuvée emblématique de Paul Jaboulet Aîné, servi sur la truffe d’été & lard colonnata en surprise feuilletée. D’un côté, avec l’assemblage merlot (60%), cabernet sauvignon (30%) et petit verdot (10%) et des tanins encore un peu serrés, l’accord se fait par le « yang », de manière un peu virile par le sang, de l’autre, avec une pure syrah arrivée à maturité et une pointe d’acidité, c’est le « ying » qui fait l’accord, privilégiant l’encerclement à la confrontation. Question centrale dans les accords tout comme pour les saveurs.
Mais quelle est « petite cuisine intérieure » qui meut Julien Allano ?
« Ton sur ton ou juxtaposition ? » c’est la réflexion actuelle du chef avec l’introduction des « évanescences » dans ses menus gastronomiques. Depuis la découverte, au dernier salon omnivore, de l’aroma-vapologie, une technique héritée du narghilé, développée par la société Airdiem Paris, qui permet d’ajouter un arome naturel sur un plat, Julien Allano, n’arrête pas de tester ce nouvel outil, qui, après espumas et émultions, va dans le sens de l’allègement (au niveau des textures, bien sûr, et non de la dictature du light) des sauces tout en conservant les saveurs. Son dernier essai, qui pourrait bien devenir une mise bouche signature une fois la saison revenue, une « évanescence » d’huître sur une tartine de seigle au beure salé et condiments. Le goût avant tout car, si le chef aime penser ses plats, « il ne faut pas que l’idée nuise au côté gourmand. »
Cet homme aime les défis et son enthousiasme les relève. Il a reçu sa première visite d’un inspecteur du Michelin au printemps qui repassera à l’automne où il passera également la demi-finale du concours du Meilleur Ouvrier de France. Autre gageure, qui fait son chemin dans la tête de Julien Allano, un dîner tout fromage au programme de la prochaine saison de dîners à 4 mains. Son chef pâtisser, Philippe Riquier, originaire du nord, s’en délecte d’avance. S’il est plus réservé que le chef, les deux partagent la même excitation pour leur métier respectif. Après s’être rencontrés au Palm Beach d’Ajaccio, ils se sont retrouvés ici pour ce duo, ou plutôt ce trio, qu’ils forment avec Jean-Luc Valadeau, le propriétaire des lieux, dans cette aventure du Clair de la plume.
Photos © Alain Magre
Le Clair de la Plume
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